Selon de nombreux médias, les Forces d’Action Spéciales de la police nationale «ont carte blanche, et opèrent en toute impunité» et sont devenues le cauchemar des quartiers populaires au Venezuela. ©LUIS ROBAYO/AFP
31 de enero de 2019
Carlotta Morteo
Les FAES et les « colectivos » bras armés de la répression
Les FAES, Forces d’action spéciales de la police nationale, ont officiellement été créées en 2017 par Nicolas Maduro pour lutter contre les gangs criminels. Mais selon de nombreux médias, dont Caracas Chronicles, ce sont eux qui se chargent aujourd’hui de réprimer, en marge des mobilisations, les opposants politiques.
« Les FAES sont entraînés pour tuer. Ils ne répondent pas à la loi, mais aux logiques de guerre. Ils ont carte blanche, et opèrent en toute impunité. Ils sont devenus le cauchemar des quartiers populaires. » explique Keymer Avila, chercheur spécialisé en sciences criminelles.
Le New York Times aussi raconte l’histoire et les agissements de ces milices paramilitaires « biberonnées à la propagande » qui jurent fidélité à Nicolas Maduro. Une force d’environ 1 500 hommes, selon le journal qui opère « cagoulés, armés jusqu’aux dents. » Selon le journal, le fait que le régime de Maduro fasse exclusivement usage des Forces spéciales, alors que l’armée reste en retrait, serait le signe que « dans les rangs des soldats de la Garde nationale, on n’est pas aussi fidèle à Nicolas Maduro que ce que l’état-major tente de faire croire. »
Même constat du rédacteur en chef du journal El Nacional qui signe une tribune reprise dans d’autres journaux du continent tel que l’Universal au Mexique : « les militaires sont fatigués d’être les instruments d’un pouvoir qu’ils savent être illégitime et violent » Et d’ajouter : « ils accompagneront la société civile dans l’anéantissement de la narco-dictature, j’en suis persuadé ».
Arrestations de plusieurs journalistes et d’adolescents au Venezuela
Selon le Syndicat national des travailleurs de la presse du Venezuela, onze reporters ont été arrêtés hier alors qu’ils couvraient la mobilisation citoyenne d’opposition. Parmi eux, quatre journalistes vénézuéliens et sept étrangers. Cinq journalistes étrangers ont été libérés – deux Français et trois Espagnols -, les journalistes espagnols devaient également quitter le pays dans la foulée. Les autres journalistes sont probablement détenus dans l’Hélicoïde, une prison réputée sordide.
Efecto Cucuyo revient sur la grande marche de mercredi dernier. Sur les près de 700 manifestants qui ont été arrêtés, l’ONG Foro Penal a dénombré 77 adolescents, dont une trentaine de mineurs. Une semaine après, 51 adolescents continuent d’être privés de leurs libertés.
« C’est un moyen de broyer ces enfants, en plus de faire pression sur des familles entières », dénonce le journal qui rappelle que la juge pour enfants de l’État de Yaracuy qui avait autorisé la mise en détention de 11 adolescents, a depuis publié une vidéo sur les réseaux sociaux. Elle déclare face caméra qu’il n’y avait aucune raison valable d’emprisonner ces jeunes, mais qu’elle a été victime de pressions de la part du gouverneur de l’État et de la police.
Le lendemain, elle aurait essayé de les libérer, mais aurait alors reçu des menaces de mort. Elle déclare : « Les juges dans ce pays travaillent dans la peur » et se range publiquement du côté de Juan Guaido.
Le Venezuela au cœur des discussions entre le Mexique et l’Espagne
Le président espagnol Pedro Sanchez était en visite à Mexico hier pour rencontrer son homologue mexicain Lopez Obrador. Les deux dirigeants « défendent le dialogue pour résoudre la crise politique au Venezuela, mais sont en désaccords sur le modèle » écrit l’éditorialiste de Publico. Sanchez s’aligne sur la position européenne : un ultimatum pour convoquer des élections sinon Juan Guaido sera reconnu président légitime, alors que Obrador préfère l’option de non-ingérence, et promeut des pourparlers « sans condition préalable ».
Le Mexique et l’Uruguay, ont « donc décidé d’organiser une conférence internationale des pays neutres », explique l’éditorialiste de la Patilla, mais « parmi ces neutres, écrit-il, il y a aussi de grands amis de Maduro, qui sont avant tout des détracteurs des Américains plutôt que des défenseurs de la liberté ». Et de conclure : « neutralité ne veut pas dire impartialité. Dans ces conditions, c’est de la complicité pure et simple à la prolongation de l’agonie des Vénézuéliens. »
Le Nicaragua, allié de Maduro, impacté par les sanctions américaines, fait passer une réforme fiscale en force
John Bolton, le conseiller à la sécurité nationale du président des États-Unis a déclaré hier que les sanctions à l’encontre de PDVSA, la compagnie pétrolière vénézuélienne vont affecter « les caisses noires du régime corrompu d’Ortega ». Et ce parce que l’entreprise Albanisa est détenue à 51% des parts par PDVSA. Créée en 2011 pour chapeauter l’accord pétrolier entre le Nicaragua et le Venezuela, rappelle El Nuevo Diario, cette entreprise est directement liée à la famille du président Ortega.
Une mesure qui intervient alors que l’homme fort du pays s’apprête à imposer un paquet de mesures fiscales très contestées dans le pays. L’Assemblée nationale, qu’il contrôle, doit approuver ce vendredi une série de nouvelles taxes, officiellement pour renflouer les caisses de la Sécurité sociale : augmentations d’impôts pour les entreprises, hausse de la TVA, taxes sur les pièces de rechange des machines-outils ou des machines agricoles… « 70% des produits de bases vont voir leur prix augmenter » titre la Prensa. Des produits tels que le pain sucré traditionnel, le papier toilette ou les couches.
Le régime soutient que les 317 millions de dollars qu’il obtiendra grâce à ces mesures serviront à protéger les plus pauvres, mais selon les calculs du journal, un panier d’achats moyen coûte déjà l’équivalent de deux salaires minimum. Dans un communiqué, les entrepreneurs s’alarment : « cette réforme est confiscatoire, elle encourage la fuite des capitaux, la baisse des investissements et pourrait provoquer non seulement la hausse du chômage mais aussi la faillite de nombreuses entreprises. »
Pour un économiste nicaraguayen interviewé dans El Pais, le commandant Ortega « tente de sauver sa vie, à l’heure où l’économie est au bord du gouffre, qu’il perd la coopération pétrolière avec le Venezuela et que la communauté internationale rejette son régime autoritaire ». Et le quotidien espagnol de rappeler que c’est une réforme des retraites très contestée qui avait déclenché les manifestations en avril dernier, manifestations qui ont conduit à une répression policière qui a fait plus de 300 morts depuis.
Publicado originalmente en: RFI